Aller au contenu

Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/109

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 107 —

pierre et du sable, en ces éléments eux-mêmes qui découvrent en leur désordre une sagesse fixée, cristalline, les petits triangles, image de la vraie géométrie, en ce grand édifice je reconnais ma demeure, l’ordre immense auquel je suis soumis, et qui n’est qu’ordre, pour moi ou contre moi selon ce que je voudrai. Sans pouvoir prendre à la lettre cette création pour toujours, j’y reconnais cette grande idée d’un monde raisonnable, sans aucune faute ; et il faut bien toujours que je reconnaisse qu’il n’y a point d’erreur dans ces actions et réactions de choses qui ne sont que choses ; ainsi il faut toujours que je les nomme aussi idées, comme les petits triangles me le font entendre. Mais cette matière parfaite et indifférente me fait comprendre aussi ce que c’est que raison abandonnée et sagesse qui se fie au lendemain. Tout cela le même et toujours le même. Car quand l’Atlandide revivrait, quand l’âge d’or revivrait, quand la république de Platon gouvernerait les hommes pour le mieux, il n’y aurait pas pour cela un atome de vertu dans leurs âmes, et tout