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Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/108

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cela, c’est penser. De passé en passé, d’avenir en avenir, le temps déroule ses avenues, bien vainement ; c’est toujours la situation présente qui est le vrai de toutes les autres. C’est folie de penser qu’une longue erreur prépare à connaître, et qu’une longue faute fait aimer la vertu. En revanche il n’est point d’homme qui n’ait formé quelquefois cette idée qu’un beau moment vaut à lui seul un long temps de vie somnolente. Au reste, long temps et court temps ne sont que des ombres en ma présente vie. Sous l’aspect de la durée, la vie ne serait donc qu’un songe. Cette pensée résonne partout en Platon.

Par opposition à ce monde des mourants, estimez à son juste prix cette étincelante peinture du Timée, autre songe, mais dont le sens éclate lorsque l’on a erré assez longtemps dans les sentiers crépusculaires. En ces idées entrelacées selon leur loi, en cette âme du monde brassant le chaos et lui communiquant ces mouvements balancés, en toutes ces âmes au-dessous sauvant ces mêmes mouvements contre l’usure de la