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Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/122

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laisse, répétant ce mot de Marc-Aurèle : « Quand l’univers serait livré aux atomes, qu’attends-tu pour mettre l’ordre en toi ? » Cette idée s’est étendue, mais aussi dispersée, séparée de ses fortes raisons ; autant voilée aujourd’hui qu’en ce temps-là par le brouillard politique. C’est pourquoi la première erreur, et de grande conséquence, est de croire que La République est un traité de politique ; cette erreur sera redressée ; mais il faut commencer par le Gorgias. Ici se trouve la plus forte leçon de politique, si forte que les plus forts oseraient à peine la suivre. Une fois l’ambitieux a parlé.

Mais, afin d’imiter passablement cet air de sagesse, cette impatience, cette ironie, cette bonhomie, ce cynisme, enfin l’importance appuyée sur l’institution, il faudrait rassembler le cercle des sophistes, entendez hommes d’État, avocats, juristes, critiques, où l’on verrait Protagoras le profond, Gorgias l’indifférent, Polos le brillant, Prodicos le subtil, Calliclès le violent, Thrasymaque l’épais, et encore Hippias le naïf, Ion le vaniteux, auxquels on joindrait Lachès et Cli-