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Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/124

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c’est mépriser l’opinion, et cela n’est pas bon à dire ni à faire croire. Mais il dit plus ; et, par les approbations de politesse qu’il a obtenues sans peine, le voilà à prouver que le pire malheur de l’injuste est de n’être point puni, laissant entendre que la plus stricte sévérité, même des dieux, est d’abandonner à ses succès l’homme qui réussit. Cela les retourne jusqu’au fond, d’autant qu’il semble le croire ; et c’est encore trop peu dire ; il en est, croirait-on, assuré, et assuré que tous en sont assurés. Il y a de l’excès ici. Ils aperçoivent le point où les saines doctrines, qui font que les hommes sont faciles à gouverner, justement par une sorte d’emportement à les prouver et par une once de persuasion de trop, feraient que les hommes seraient impossibles à gouverner. Voilà donc qu’un peu plus de sérieux se montre sur l’impassible visage des puissances assemblées. La puissance se parle tout haut à elle-même, et reprend les choses depuis le commencement.

« Certes, dit-elle, je connais le prix de l’ordre et des lois. Il est même évident que les