Aller au contenu

Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/126

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 124 —

le pouvoir de maintenir contre tous cette conquérante politique. Mais nul n’a ce pouvoir hors de société ; nul, pour mieux dire, n’a aucun pouvoir hors de société. Aussi, en cette impossible guerre d’un contre tous, l’homme n’irait pas loin. Il renonce donc à ce bien, si incertain, si chèrement payé, sous la condition que les autres y renoncent aussi ; et tous ensemble nomment des juges qui ont pour fonction de constater que chacun renonce à faire ce qu’il interdit au voisin, ou de ramener des révoltés à l’obéissance ; en quoi ils ne font que prévoir et devancer des effets inévitables, ils ne font qu’abréger désordre et lutte. Maintenant, Socrate, fais bien attention. Il serait absurde de penser que l’homme puisse être juste ou injuste à l’égard de ceux avec qui il n’a point de convention, ni de contrat ; absurde aussi de vouloir qu’un homme s’abstienne de faire ce qu’il voit que les autres se permettent. Telle est donc la justice selon la loi. Mais selon la nature, il est juste que chacun fasse exactement ce qu’il peut faire ; et la limite des forces est aussi celle des droits. Voilà ce que tout le