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Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/127

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monde sait ; voilà ce que tous les sages enseignent. Fou qui se mettrait tout seul en guerre contre la multitude des hommes. Et toutefois la nature parle éloquemment au cœur de tous. Car nous voyons que celui qui se contente de la puissance qu’on lui laisse est méprisé. Et au contraire nous voyons que tous les hommes estimés se sont fait une puissance, soit par les biens qu’ils amassent, soit par les amis qu’ils s’attachent, c’est-à-dire par les largesses et par l’art de persuader. Ceux-là sont puissants et honorés dans l’État, qui ont quelque chose à donner ou qui savent plaider pour leurs amis. Et les plus hardis de ceux-là qui arrivent, par cette sorte d’armée qu’ils ont à eux, à soumettre les autres, sont honorés au-dessus de tous. Quant à celui qui ne joue pas plus ou moins ce jeu, soit parce qu’il a peur, soit parce qu’il s’est laissé persuader, il est considéré comme un homme de peu, et il n’a point d’amis. Regarde ; celui qui ne gagne point aux échanges, c’est-à-dire qui ne reçoit point plus qu’il ne donne, est ouvertement méprisé. Si avec cela il s’amuse aux discours