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Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/129

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apercevait-il, comme il le montre en peu de paroles au commencement de La République, qu’il s’en faut de beaucoup que la puissance soit jamais dispensée de justice, et qu’au contraire une justice intérieure est le ressort de toute puissance, si injuste qu’on la suppose ; car, disait-il, des brigands ne parviendront à être injustes à l’égard des autres hommes qu’autant qu’ils seront justes entre eux. Toutefois on peut penser que Socrate, découvrant ici un immense paysage de pensées, mais aussi une discussion sans fin, et sentant que les meilleures raisons seraient sans force contre l’ambitieux autant que les pires pour l’ébranler lui-même, ne demande qu’à se retrouver en lui-même et dans son discours avec soi. Quant aux autres, parce qu’ils se sont laissés aller à parler plus franc que de coutume, et même à dire clairement tout haut ce qu’ils n’aiment pas trop se dire à eux-mêmes, ils ont épuisé le plaisir du jeu. Ils retournent aux grandes affaires et vont oublier Socrate ; ou bien, s’ils y pensent, ils se disent qu’un tel homme, par son exemple et même par ses dis-