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Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/128

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non payés, comme tu fais, et critique les uns et les autres et jusqu’aux lois, comme tu fais, rien n’est plus facile que de l’accuser et de lui nuire, parce qu’il n’a point rendu de services. Et que fait-il en effet, lorsqu’il développe l’opinion vulgaire à la manière d’un homme qui y croit tout à fait, sinon inquiéter l’ambitieux, et enlever aux pauvres l’espérance qu’ils gardent toujours d’une occasion ou d’un renversement qui jettera la puissance de leur côté ? La commune justice a deux faces : tu la vois qui garde l’égalité, jusqu’au moment où elle acclame celui qui s’élève. Il n’en peut être autrement, puisque l’homme vit et pense à la fois selon la loi et selon la nature. Et peut-être n’y a-t’il point de faute qu’on pardonne moins que celle de mépriser ouvertement cette justice à double visage, sans l’excuse, au moins, d’y gagner quelque chose. Prends garde à toi, Socrate. »

Or Socrate disait non, s’évertuant de nouveau à prouver que le tyran est faible et malheureux, s’il ne sait gouverner en lui la peur, la colère, et l’envie. Peut-être même