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Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/132

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muns de l’histoire. Foutefois la négation de ces choses, tranquille en Socrate, amène sous un jour cru ce qu’on ne dit jamais tout à fait, et peut-être, en achevant la preuve, éveille le doute. Car ce n’est pas un grand parti de faire ce que tous font, mais c’est un grand parti de juger qu’ils ont raison. On rougit plutôt d’une pensée que d’une action. Une action n’engage pas ; mais, si l’on se lie devant soi-même par quelque terrible maxime, on se prive alors des vertus d’occasion ; il faut que l’on s’achève selon la maxime. C’est pourquoi le prudent Protagoras ne pense jamais ce qu’il pense ; mais cette prudence ne se trouve qu’en un homme fatigué. Quand la barrière tombe, les coursiers s’élancent ; ainsi s’élancent-ils l’un et l’autre, afin d’achever le discours redoutable. Et, comme dit Homère : « Que le frère porte secours au frère. » Platon, tu n’es pas loin.

Or, disent-ils, il se peut que des hommes d’âge et de sérieux se trouvent portés un peu au delà des lois qu’ils ont faites, ou bien un peu à côté, sans y penser trop. Ou bien, s’ils y pensent, ce n’est qu’un jeu pour