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Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/133

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eux, qui rend un peu plus libres les mouvements de la gloire assurée. Mais pour nous, qui n’avons rien fait encore ni rien juré, pour nous tout l’avenir est sur le coupant du sabre. Il s’agit de se jeter ici ou là ; car cet âge ne fait rien à demi. Eh bien, disent-ils chacun à leur tour, il faut que tout soit décidé ici et là-haut. Des dieux et des hommes le dernier mot. Ou bien toute l’injustice, sans remords, selon l’instinct, selon le désir, selon le plaisir, par les immenses moyens du sang noble et de l’acclamation. Ou bien, s’il est vrai que ce soit mieux ainsi, toute la justice. Mais, Socrate, il ne suffit pas que tu nous dises que cela est mieux ; il faut que tu le prouves. Ce reproche que tu es, il faut qu’il parle clair. Car la vertu de nos cahiers et de nos livres, la vertu selon nos maîtres, et selon nos poètes, et selon nos prêtres, ce n’est que prudence, ce n’est que peur. Ce contrat de société, cette religion de l’ordre, cette précaution de ne pas nuire, ce n’est que peur. Et peur de quoi ? Les vaincus nous aimeront. La gloire de loin redoute le blâme, et trouve l’applaudissement. Les dieux