Aller au contenu

Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/135

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 133 —

justice et le châtiment. Un autre dieu, qui laisse seulement aller les suites intimes, et ainsi qui ne peut pardonner. Mais il faut nous dire comment cela se fait, sans opposer rien à nous-mêmes que nous-mêmes. Sépare donc violemment le juste et l’injuste. Que l’injuste soit honoré des hommes et des dieux, assuré de puissance, d’amis, de richesse, et de longue vie ; et prouve-nous, car nous savons que tu le crois, qu’il a pris le mauvais parti, et qu’il s’est nui à lui-même. En revanche dessine le juste tout nu. Qu’il soit méprisé des hommes et des dieux, emprisonné et mis en croix par sa justice même, et prouve-nous qu’il a pris le bon chemin, et qu’il s’est bien servi lui-même, comme le meilleur et le plus sage des amis l’aurait servi. Écoute enfin l’histoire de Gygès. Ce n’était point un méchant homme. Il faisait son métier de berger comme on le fait ; mais c’est qu’il ne pouvait pas faire autrement ; c’est qu’il ne voyait pas le moyen de faire autrement. Tu sais comment le hasard lui fit trouver un moyen, cet anneau qui le rendait invisible pourvu qu’il tournât le cha-