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Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/136

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ton vers le dedans de la main. Ayant découvert par rencontre ce secret merveilleux, il prit seulement le temps de s’assurer là-dessus, et puis le voilà parti, le voilà à la cour. Il tue le roi, il séduit la reine, il règne. Or, si Calliclès et Thrasymaque ont raison, si tous nos maîtres et tous nos poètes ont raison, Gygès a bien fait. Et que le sort nous donne un anneau pareil au sien, nous ferons comme lui. Ne dis point qu’un tel anneau ne fut jamais donné à personne. Ne le dis point, car tu sais bien que tout homme a un tel anneau, dès qu’il ne craint plus que son propre jugement. Allons ; dis-nous ce que Gygès ne savait pas ; qui l’aurait arrêté tout net s’il l’avait su ; qui l’aurait fait jeter peut-être son anneau, comme nous jetterons, nous, le pouvoir, si tu nous instruis ; car alors ce serait le pire danger, comme tu l’as dit, que de tout pouvoir impunément. Enfin dis-nous comment Gygès s’est puni lui-même.

C’est ainsi qu’Adimante et Glaucon mirent Socrate en demeure ; et c’est ainsi qu’aux deux premiers livres de La République s’ajoutèrent les huit autres, où la doctrine de la jus-