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Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/138

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ainsi plus lisible, c’est dans le corps social qu’il faut chercher d’abord la justice. Or, tous les secrets de la doctrine platonicienne sont ici rassemblés, et comme refermés les uns sur les autres. Car si l’on entendait que l’individu n’est juste que par sa participation à un état juste, on retomberait dans le discours du sophiste sur la justice selon la loi politique, et ce n’est certainement pas cela que Platon veut nous faire entendre ; la justice individuelle n’est nullement la justice selon la société. Mais, d’un autre côté, la justice de l’État est prise comme justice individuelle, comme justice propre à ce grand corps. Ainsi il est vrai aussi que l’homme juste tout entier, rapporté à ses diverses puissances, est analogue à l’État tout entier. En sorte que, dans l’État juste, ce n’est pas le guerrier qui est juste, ni l’artisan, ni même le magistrat ; mais c’est l’état qui est juste. Et de même dans l’homme ce n’est pas le cœur qui est juste, ni le ventre, ni même la tête ; mais c’est l’homme qui est juste. En ce sens on peut dire que l’État et l’individu participent à la même justice ; ce qui ne veut point