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Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/142

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de l’emportement, est tout force, tout richesse, tout colère. Ici réside cette partie de l’amour qui est courage ; ici tout est généreux et de pur don ; car, dans la colère, c’est la puissance même qui éveille et entretient la puissance ; dont le muscle creux est l’image, puisqu’il se réveille lui-même à ses propres coups. Ce monstre, qui résout tout par la force, nous pouvons le nommer lion. Au-dessous du diaphragme se trouve le ventre insatiable dont parle le mendiant d’Homère : et nous le nommerons hydre, non point au hasard, mais afin de rappeler les mille têtes de la fable, et les innombrables désirs qui sont comme couchés et repliés les uns sur les autres, dans les rares moments où tout le ventre dort. Et ce qui habite ici au fond du sac, ce n’est point richesse, c’est pauvreté ; c’est cette autre partie de l’amour qui est désir et manque. Ici est la partie rampante et peureuse. Et la condition de l’homme, ainsi fait de trois bêtes, est qu’il ne peut cesser de s’irriter, ni cesser de se nourrir. Le sage se trouve ainsi au service du lion et de l’hydre, et dans le plus intime voisinage, de façon que