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tôt il faut reconnaître, en ces types d’homme, des exemples de ce désordre intérieur qui définit l’injustice. Cela nous conduira à former l’idée la plus rare et encore aujourd’hui la plus neuve. Car Platon, lorsqu’il conçoit l’État juste, ne regarde nullement à ses alentours, à ses voisins, aux échanges ou aux guerres qu’il mène. Tout ce que fait l’État juste, par l’impulsion de son harmonie propre, tout cela est juste ; et, au rebours, tout ce que fait l’État injuste, entendez mal gouverné, tout cela est injuste. Juger par les effets, ce n’est qu’opinion. Voilà déjà une source de méditations sans fin. Car c’est en formant cette idée assez cachée que l’on saisira peut-être le vrai rapport entre droit et force. Non que la force donne droit, car la force dépend aussi des hasards ; seulement on entrevoit que, tous les hasards supposés égaux, la justice intérieure donnerait force. Mais, encore une fois, détournons-nous de politique ; détournons-nous des deux Denys et de Dion, si nous pouvons. Un autre gouvernement est remis en nos mains, dont nous ne pouvons point nous démettre. Regardons enfin à l’homme, et for-