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Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/154

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rance par le courage, si, se jetant à une entreprise extrême, on passe par précaution les limites du manger et du boire ; ou, au contraire, limiter le courage par la tempérance, si on fuit un genre de colère qui est désordre et démesure, quoique la raison l’approuve. Ou bien limiter la sagesse elle-même, ce qui est faire la part à l’action et au désir dans une vie bien composée. Ici l’idée se dessine un peu. Maintenant, sous la tempérance, qui n’est que règle négative, pensons la vie en ces besoins qui toujours renaissent, en ces changeants plaisirs qui accompagnent l’assouvissement. Reconnaître, recevoir en soi cela même, cet animal broutant, et lui permettre d’être, au lieu de le réduire autant qu’on peut selon cet ascétisme que l’on nomme tempérance, n’est-ce pas justice à l’égard d’une partie de soi ? De même que le sage monarque, qui gouverne sur les artisans, s’il les méprisait il ne serait pas juste, puisque lui-même il vit d’eux. Et, par ce côté, il y aurait donc un excès de tempérance, on dirait presque au-delà de nos droits, et qui serait injustice, comme l’intempérance serait injustice