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Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/24

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que ce que Platon nous représente d’abord en Socrate, ce n’est pas un homme devenu sage par des raisons ; bien plutôt c’est le plus assuré des hommes avant toutes les raisons ; le plus assuré de ceci, c’est que l’homme qui attend et saisit l’occasion de manquer à la justice, quand il réussirait en tout, est au fond de lui-même bien malade, bien faible, et bien puni par cet intime esclavage. Qui voudrait être injuste ? Mais demandez plutôt qui voudrait être malade. On comprend ici tout le sens du « Connais-toi », maxime Delphique que Socrate jugea suffisante. D’où le célèbre axiome : « Nul n’est méchant volonlairement », qui paraît plus d’une fois dans les entretiens socratiques, qui résonne si juste en tout homme, mais qui aussi, développé par cette raison abstraite que tout homme veut le bien, et le mal toujours en vue du bien, devient aussitôt impénétrable. Ce serait assez si je faisais voir, en ces chapitres, comment Platon l’a tout à fait éclairé. Socrate a vécu, s’est conservé, et finalement est mort, se conservant encore, d’après cette idée que le méchant est un maladroit, ce que