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Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/34

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monde. Aussi l’imagination est déjà rassurée par ces images de l’éternité. Nous voilà heureux de ces contes, et c’est ce repos qui nous fait enfants. Toutefois ce bonheur est un grand signe aussi pour les hommes. Soyez tranquilles, Platon va nous payer de strictes raisons.

Concevons le célèbre cheval de bois ; donnons-lui des yeux, des oreilles, des narines, et que les choses y fassent empreinte. Ce n’est pas ainsi que nous pensons ; l’odeur n’est pas ici et la couleur là, mais la couleur et l’odeur sont pensées ensemble dans l’objet. Me voilà donc à rassembler mes sens en quelque sens commun, cerveau ou comme on voudra dire, où les sensations soient ensemble. Mais c’est encore cheval de bois. Les parties de ce sens commun font encore qu’une sensation n’est point où est l’autre ; ou bien, s’il n’a pas de parties, nous sommes à la pensée, à l’âme, enfin à ce qui n’est point chose. Mais ce genre d’argument ouvre le chemin à d’étonnantes remarques, qui font entrevoir l’idée. Car, s’il vous plaît, cette pensée que les sensations sont diffé-