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Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/33

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tout genre de vrai et d’irréfutable. Point extrême, où de sa propre mort et de son propre bûcher, comme le Phénix, la pensée va renaître toute. Protagoras n’est vivant que mort. Les voyages des âmes, image familière et toujours présente en Platon, figureront cette condition étrange en toutes nos idées, de mourir souvent, pour renaître à une meilleure existence. Dialogues des morts. Le même Héraclite, surnommé l’Obscur, disait que nous vivons la mort des dieux, et que les dieux vivent notre mort. Platon seul a su nous suspendre dans le temps vrai, où les idées meurent et renaissent, car aucun temps n’est que par celui-là. Et, par cette magie il renaît tout, et ses renaissances renaissent toutes, à chaque fois qu’on le lit. Ainsi l’immortel est le vrai ; il est vrai que qui a pensé pensera, et que penser c’est penser cela même, immobile et mobile. Platon est, comme on sait, le plus grand poète peut-être de cette autre vie, dont nos pensées sont l’étoffe, et qui ne peut en aucun sens ni commencer ni finir. Chacun pressent que cette autre vie est la vraie vie, s’il y a du vrai au