Aller au contenu

Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/36

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 34 —

assez dire ; car ce n’est pas parce qu’on y pense que le cinq est cinq. Il était cinq avant ; il est cinq encore après. Dans les nombres il à sa place éternelle, et sa nature que rien ne corrompt. C’est une idée.

Ici sans doute je me trompe, par aller trop vite, par ne point suivre cette loi de patience et de précaution que les Dialogues nous enseignent. Je veux faire monnaie et chose de ce qui n’est ni monnaie ni chose. J’ai trop vite conclu que le cinq est fils du ciel ; car il est fils de la terre aussi, par ces osselets. Je les fais sauter, je les disperse, je les rassemble ; ils sont toujours cinq. Mais sans ces différences qu’ils jettent à mes sens, sans cette autre loi qui les repousse et les déplace les uns par les autres, de façon qu’ils soient toujours séparés et chacun en son lieu, penserais-je cinq ? Et dans ce cinq, qui les fait cinq, n’est-ce pas le même un que je retrouve aussi en quatre, en trois, en deux, par qui deux est un nombre, trois, un nombre, quatre, un nombre ? Et comment cet un peut-il être deux, et trois, et quatre ? Par sa nature ? Par la rencontre ? Toujours est-il que cet un