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Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/49

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l’idée ? » Il semble que la chose nue ne puisse porter la preuve, ni non plus le discours nu. On verra, on soupçonne déjà que Platon interrogeait de même le triangle, le carré, le cercle. Et il faut savoir que cette querelle de l’esprit avec lui-même n’est pas réglée. La pure logique se cherche toujours, et prétend toujours.

Il y eut sans aucun doute une ivresse de discours en ce monde Grec, où le principal pouvoir venait de persuader. Quelques-uns, qui usaient fort bien de ce jeu, le surmontaient par un autre jeu. Gorgias passe pour avoir soutenu, en des preuves alternées, que l’être est, puis que le non-être est ; qu’ainsi l’être n’est pas ; mais de nouveau que l’être est. C’était comme un pur art de plaider. Et la preuve en cette fragile dialectique était, autant que nous savons, celle-ci, que l’on retrouve aussi dans Platon, c’est qu’on ne peut pas dire de quoi que ce soit qu’il n’est pas s’il n’est absolument pas, car alors on n’en penserait rien du tout. On peut mépriser ce genre d’argument, qui étonne à peine, et qui n’éclaire point. Conve-