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Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/85

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revenir dans la caverne, où sans aucun doute il sera roi, puisqu’il sait maintenant de quoi les ombres sont faites ! Mais Platon le tire encore et le dresse, jusqu’à ce qu’il ait pu contempler au moins un petit moment le soleil lui-même. Alors seulement tu seras roi, pour le bien de tous et pour ton propre bien.

Transposons. Les ombres de la caverne, ce sont ces apparences sur le mur de nos sens. Les objets eux-mêmes, ce sont ces formes vraies, comme du cube, que nul œil n’a vues ; ce sont les idées. Cette délivrance se fait par le discours. Ces reflets moins difficiles à saisir, pour un regard moins accoutumé, ce sont ces figures dessinées selon l’idée, et qui soutiennent le discours du géomètre. Les objets du monde réel, ce sont les rapports intelligibles qui donnent un sens aux apparences, mais dont l’apparence, au rebours, ne peut donner le secret. Ce voyage du captif délivré, c’est le détour mathématique, non pas seulement à travers les reflets ou figures, qui sont encore des sortes d’ombres, mais jusqu’à ces relations sans corps