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Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/93

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pour vivre, bien avant que la réflexion se fût mise en quête de ces preuves subtiles qui refusent le plus possible l’expérience, et mettent en lumière cet ordre selon l’esprit, qui veut se suffire à lui-même. Il faut arriver à dire que ce genre de recherches ne vise point d’abord à cette vérité que le monde confirme, mais à une vérité plus pure, toute d’esprit, ou qui s’efforce d’être telle, et qui dépend seulement du bien penser.

Je trouverai un exemple simple dans ce mouvement de réflexion qui a marqué les dernières années du xixe siècle. L’illustre Poincaré fut amené à dire son mot là-dessus justement au sujet d’une preuve bien connue de cette proposition, que l’on peut intervertir l’ordre des facteurs sans changer le produit. Cette preuve pour les yeux, qui consiste à proposer des points bien rangés, par exemple quatre rangées de trois points chacune, enlève toute espèce de doute, semble-t-il, par ce genre d’expérience que l’on nomme intuition. Mais Poincaré rappela que la science rigoureuse refuse cette preuve, remontant de la multiplication à l’addition, et