Aller au contenu

Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/94

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 92 —

encore des nombres à l’unité, pour recomposer ensuite et par degrés la proposition dont il s’agit, à travers plusieurs pages de transformations assez difficiles à suivre. Cet exemple est propre à faire voir qu’un esprit scrupuleux sait encore douter de ce qui ne fait pas doute, et prendre le chemin le plus long, comme Platon aime à dire. Il ne suffit donc point qu’une proposition soit vraie selon la chose ; il faut encore qu’elle soit vraie selon l’esprit. Et, bref, ici se montre la règle du bien penser, qui repose sur elle-même. Cela revient à dire qu’il y a un devoir de bien penser, et advienne que pourra. L’esprit est ici sa propre fin et son propre bien.

Platon, dans La République, s’explique assez là-dessus ; il s’agit seulement de penser ce qu’il dit. On peut aller en deux sens, à travers les idées. On peut descendre de l’hypothèse aux conséquences, en prenant l’hypothèse pour vraie ; on marche alors vers l’expérience et les applications ; mais on peut et même on doit, si l’on prétend à l’honneur de penser, remonter au contraire d’hypothèse en hypothèse, jusqu’à ce qui est pre-