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Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/98

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crépuscules. Au contraire, d’une clarté fixe, il éclaire le royaume des ombres. Ici est le vrai soleil, au regard de qui l’effrayante éclipse n’est rien. Mais, comme il n’est pas mauvais de faire jouer encore l’ombre qui nous fit peur, de même nous devons, encore une fois et plus, nous dessiner à nous-mêmes l’apparence de ce qui fut et de ce qui sera. Ces voyages de mille ans, ces épreuves, ces nouveaux choix, ces résurrections sans souvenir, ces célèbres tableaux qui imitent si bien la couleur des songes, tout cela représente à merveille notre situation humaine, et ce sérieux frivole, ce mélange de boue et d’idées, et encore cette âme insaisissable, indicible, qui veut que tout cela soit, qui s’évertue, qui s’égare et à chaque instant se sauve, et de nouveau se perd, toujours naïve et de bonne foi. Car nous sommes ainsi faits, de ce mélange, qu’il n’y a point de chute sans rebondissement, ni non plus de sublime sans rechute. Chaque jour nous retombons dans l’enfer des songes, et toujours plus bas que nous ne croyons, par ce mépris de penser. Chaque jour le plus sage