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Page:Alain - Propos, tome 2, 1920.djvu/159

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LES PROPOS D’ALAIN

détestable mécanisme un petit nombre d’intrigants font de la politique selon leur intérêt propre, et agissent sur les ministres. Ce n’était qu’un tyranneau d’arrondissement. » C’est l’apparence ; ce n’était pas cela tout à fait. Ils le laissaient ministre pour les paroles. Il disait Empire c’était bien ; il disait République, c’était bien ; mais c’était toujours le même air.

Ce fut alors la Terreur Panamique. Le député en question fut soupçonné et même accusé. Il se défendit bien ; il prouva, si je me rappelle bien, que son métier de journaliste (car il n’était pas riche) expliquait certains petits profits. Il fut acquitté. On a pardonné plus à d’autres ; mais cet arrondissement ne pardonna rien. Il n’y eut ni reproches ni récriminations ; ce fut pis ; ce fut le silence et l’abandon. Et sans remède. On put connaître par là l’esprit de liberté et le jugement inflexible de ces hommes qui semblaient ne pas prendre la politique au sérieux. Quand on méprise les mots, il arrive que l’on voit clair aux choses. Sans doute eurent-ils le sentiment que la Haute Finance, sous n’importe quel drapeau, était le véritable Tyran à craindre pour l’avenir, et que, si l’on saluait une fois Monsieur l’Argent, l’opposition n’était plus que gasconnade. Ici se montre, il me semble, le fond de l’esprit arrondissementier. Il a du cynisme ; il va droit au principal. Il se moque assez des combinaisons purement politiques, mais il est strict sur la probité. Ce n’est pas par hasard que les Grands Aventuriers le haïssent du fond de leur cœur et essaient de le mépriser. Ce jeu est clair ; la partie est engagée entre les Politiciens et le pays.

CXVI

Les Membres de l’Association Amicale des Hauts Mollusques (Bureaucrates au-dessus de neuf mille francs), réunis en assemblée générale extraordinaire, considérant,

Premièrement que le flot montant de la démagogie vient battre maintenant la citadelle même de l’administration ;

Deuxièmement que les législateurs, oubliant leur noble mission, s’arrêtent de plus en plus à de petits intérêts et à de misérables critiques, de sorte que les hauts administrateurs seront bientôt interpellés aussi souvent que les ministres, et aussi instables qu’eux ;