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Page:Alain - Quatre-vingt-un chapitres sur l'esprit et les passions, 1921.djvu/125

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DE LA LOGIQUE OU RHÉTORIQUE

le sens des mots tout, quelque, aucun ; c’est donc comme une grammaire générale en quelque sorte. S’il est posé que tout est est une proposition vraie, la proposition contraire aucun n’est est fausse ; mais si la première est fausse, la seconde peut être vraie ou fausse. Il n’en est pas de même pour les contradictoires tout est , et quelque n’est pas  ; car de ce que l’une est vraie ou fausse, il faut tirer que l’autre est fausse ou vraie.

La conversation use encore de ces manières de dire, où il serait plus utile d’examiner la proposition même que le raisonnement de pure forme par lequel on en fait sortir une autre. Les propositions tirées de l’expérience se présentent plutôt sous la forme qu’on nomme hypothétique, si est, est aussi, équivalente d’ailleurs à la première, comme si l’on disait que si un homme est juste, il est heureux. Cette autre manière de dire conduira à une analyse un peu différente. On raisonnera ainsi. Si est, est ; or est, donc est ; or n’est pas, donc n’est pas, puisque si est, est. Et l’on voit que les propositions n’est pas ou est ne conduisent à rien ; il faudrait avoir ajouté à la première que si n’est pas, n’est pas. Les objets n’y font rien ; on considère seulement ce qui est dit, et si ce qui est dit enferme ou non telle autre manière de dire.

Pour achever en peu de mots cette esquisse, on peut passer de cette dernière forme aux syllogismes classiques. Au lieu de dire si est est, disons : tout ce qui est est . Si nous ajoutons la proposition est , nous serons amenés à la conclusion est  ; comme aussi de ce que exclut , autre forme de si est n’est pas, de ce que est , nous concluons que n’est pas . , c’est tout, ou quelque, ou un, pourvu que ce soit le même . Et voilà le syllogisme de la première figure : tout envieux est triste, tout ambitieux est envieux, tout ambitieux est triste. Et si, partant de la même supposition, tout ce qui est est , on pose que n’est pas , ou si exclut , que est , on aura la conclusion que n’est pas , ce qui est le syllogisme de la seconde figure.