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Page:Alain - Quatre-vingt-un chapitres sur l'esprit et les passions, 1921.djvu/276

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DES CÉRÉMONIES

sans cause. Mais l’habitué trouve au théâtre un rire plus libre, et modéré par le désir d’entendre la suite. Et il est rigoureusement vrai que la comédie corrige les passions par le rire, mais non pas du tout par l’exemple et les leçons. Non pas l’avare par le ridicule, car il n’y a point d’avare au spectacle ; mais toutes les fureurs et toutes les angoisses et tous les soucis par le rire. Et le difficile n’est pas tant de faire rire, car les spectateurs y aident tous, mais plutôt de faire accepter d’avoir ri. Un esprit plus cultivé ne regarderait pas tant aux causes, et rirait mieux aux farces du cirque, à cause que le cercle des spectateurs y est fermé. Cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas d’art dans les bouffons du cirque, et j’y ai souvent trouvé l’art comique le plus profond, qui fait tout, et même par le blanc sur le visage, pour que le spectateur ne puisse jamais se reconnaître. Molière savait aussi ce secret-là.