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Page:Alain - Système des Beaux-Arts.djvu/100

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CHAPITRE V

DE L’ÉPIQUE

La position du poète étant de regarder de haut, comme on l’a dit, et même de se retirer de toutes choses et de ses propres douleurs, et d’en faire des objets, toute poésie tend naturellement au sublime par cette puissance au-dessus de tout ; il n’y a donc point de poésie badine. Et le beau mot de poète, qui signifie créateur, exprime bien cette puissance de mettre en ordre et comme en objet ce qui est sauvagerie, terreur, désespoir. En partant de cette idée, il n’est pas impossible de développer selon un ordre les trois genres principaux. Mais que le lecteur ne demande point de preuves ; l’énumération se prouve par l’impossibilité de faire mieux ; et au surplus toute idée est vraie par ce qu’elle explique. Soyons donc poète de la poésie aussi, si nous pouvons.

L’âge, le changement de tout, la fragilité, le souvenir, les ruines, la mort sont et seront toujours les thèmes de toute poésie ; et l’on peut remarquer que, plus le thème est propre à jeter le poète dans le désordre et le désespoir, plus aussi le poète recherche un rythme solide, et en quelque sorte des cordes appropriées à l’effort. Or le mouvement humain le plus direct et le plus étonnant contre la plus grande peur, c’est la guerre sans contredit. Le combattant en mar-