Aller au contenu

Page:Alain - Système des Beaux-Arts.djvu/109

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CHAPITRE VIII

DE LA FABLE

L’élégiaque et le contemplatif s’opposent à l’épique, mais sans sortir de ce vaste domaine épique qui enferme tous les genres de la poésie sous l’idée d’un mouvement entraînant et sans répit qui nous détourne d’examiner, de douter, de dire non. Toute poésie est donc nourrie de foi ; et par la foi l’homme veut s’élever et s’élève en effet, soit qu’il agisse, soit qu’il contemple, soit qu’il se fasse un objet de ses douleurs les plus hautes, refusant de fuir et de se cacher à la manière des bêtes, comme aussi de raccourcir sa perception à la mesure de ses besoins et de renfermer ses plaisirs et ses peines dans les frontières de son corps. Toute poésie est ainsi pensée, et au fond voulue, guerre, amour ou religion, à tout risque.

Or la forte affirmation de l’épique, la foi agissante de l’épique apporte avec elle du fond des âges la négation de cette poésie mère, et d’avance la négation des autres, qui est l’apologue ou la fable ; et c’est la première prose, essentiellement prose, comme le sens populaire du mot le fait énergiquement entendre. Et il est à propos de traiter ici de cette prose mère qui suit la poésie mère comme son ombre, et comme Sancho suit don Quichotte. Il est commun