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Page:Alain - Système des Beaux-Arts.djvu/140

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CHAPITRE VI

DE L’HARMONIE

L’ancienne musique a sa règle en elle-même, qui est de bonne tenue, de politesse, de ferme gouvernement ; elle cherche les sons soutenus, les successions compensatrices, les repos naturels, les conclusions péremptoires. La musique des modernes, semblable en cela à la poésie, a ses règles autour d’elle, dont les choses, diapasons et instruments, sont dépositaires. Le mécanisme s’y est mis. La gamme, le mode, le ton, les accords sont nés des instruments et particulièrement du clavier. La modulation est peut-être ce qui caractérise le mieux la musique instrumentale ; on entend par là un changement de mode, comme un passage du majeur au mineur, ou bien un changement de ton, qui souvent serait indéterminé dans la musique chantée à une partie, et qui suppose donc une harmonie réelle ou imaginée. Mais la modulation suppose d’abord la connaissance et l’affirmation du ton et du mode. J’ai observé que les harpistes qui accompagnent par instinct sont presque toujours incapables de moduler convenablement quand la musique chantée l’exige. Aussi voit-on que la plupart des chants populaires ne modulent point, ou, pour mieux dire, qu’ils sont étrangers au ton et au mode, comme il est visible dans les chants bretons ou dans la musique