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Page:Alain - Système des Beaux-Arts.djvu/161

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CHAPITRE PREMIER

DE LA FORME THÉÂTRALE

L’analyse doit vaincre ici la facilité. Car il y a abondance de productions sans forme et qui plaisent pourtant, et abondance surtout de théories improvisées. Essayant donc de considérer seulement les grandes œuvres, surtout comiques, et les sûres traditions, surtout mimiques, disons que le théâtre n’est fait nullement de conversations émouvantes ou plaisantes, prises dans la vie commune. Il s’en faut bien. Les jeux imitatifs des enfants, et les scènes de remplissage où l’on dit bonjour ou bonsoir selon la mode, n’ont rien de commun avec le puissant langage que nous avons à décrire, et qui se développe selon ses moyens et conditions, comme la danse, la musique, l’architecture et le dessin. C’est ce que n’ignoreraient point les grands comiques, s’ils prenaient le temps de réfléchir sur leur art, sur ces traits hardis qu’on ne trouve point dans la nature, sur ce style défini des bouffons, ancien et presque immuable, sur ces jeux de scène énormes et mesurés qui permettent don Juan entre les deux paysannes, ou Georges Dandin devant sa porte fermée. Il n’y a point d’invraisemblance dès que la vraisemblance n’est point cherchée. Les bouffons du cirque n’ont même pas besoin de porte ; ils tracent une ligne sur le sable ; le génie