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Page:Alain - Système des Beaux-Arts.djvu/164

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CHAPITRE II

DU TRAGIQUE ET DE LA FATALITÉ

La tragédie nous représente des malheurs communs, mais à distance de vue, et comme des objets ; aussi l’idée de la fatalité, plus ou moins clairement conçue, est toujours l’armature du drame. Ainsi le spectateur est délivré de ce genre de crainte, qui est le pire, et qui est la crainte d’avoir à prendre un parti. Aussi faut-il que le drame soit terminé déjà dans le fait, au moment où le poète nous le présente ; c’est pourquoi l’ancienne histoire plaît au théâtre ; les malheurs illustres sont assez connus d’avance, et le temps en a effacé les suites, de façon que l’on sait où l’on va, et que l’on est séparé de son temps et de soi. Cette tranquillité se voit clairement dans le spectateur qui prend place. Ainsi le temps se trouve être le personnage principal de toute tragédie composée. Il est donc vrai, comme on l’a dit, qu’il faut au théâtre tragique l’unité de temps, entendez la continuité et la mesure ; et je remarque que les mesures du temps, surtout par le soleil et les étoiles, ont ici l’accent convenable. Il est bon que l’épée de Cassius désigne les étoiles qui déclinent, dans une des plus remarquables nuits de l’histoire. Et il faut que l’on sente toujours la marche des heures, et la nécessité extérieure qui presse les passions et les mûrit plus