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Page:Alain - Système des Beaux-Arts.djvu/167

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CHAPITRE III

DES CARACTÈRES

C’est ici surtout qu’il faut se défendre contre les développements faciles, et se garder de prendre pour des données de l’art dramatique ce qui semble plutôt sa création propre, j’entends ces caractères et ces figures quasi éternelles comme Roméo et Juliette, Hamlet, le Cid, Néron, Faust ou Don Juan. Il apparaît assez clairement, pour le théâtre tragique, que le poète ne cherche jamais autour de lui quelque modèle qu’il copie et mette debout dans son drame, mais qu’au contraire il fuit le modèle vivant, trouvant assez dans l’histoire, souvent la moins connue, et simplifiant encore. L’art comique, au sujet duquel on n’oserait pas, peut-être, proposer la même remarque, éclaire pourtant la question d’un autre côté par son Scapin, son Géronte, son Valère et sa Dorine, si proches d’Arlequin, de Colombine et de Pierrot. Disons aussi que le roi, le favori, le conspirateur et l’homme du peuple feraient déjà des personnages suffisants pour un drame : car qui connaît les traits d’Œdipe, ou d’Horace ? Ce sont des statues animées ; ce sont des hommes, et nullement des portraits. Ce n’est pas qu’ils n’arrivent à se tenir parole à eux-mêmes, et quelquefois avec des traits imprévus, comme dans Hamlet ; mais il me semble que toujours