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Page:Alain - Système des Beaux-Arts.djvu/179

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CHAPITRE VII

DES LARMES

Il est nécessaire de rappeler ici que nos émotions consistent en un mouvement tumultueux des muscles, qui peut aller, dans la grande peur, dans la grande colère ou dans l’horreur, jusqu’à l’étranglement. Par contre-coup les mouvements du cœur sont accélérés, et en même temps le cours du sang est troublé par la contraction des muscles qui le chassent en ondes vers les parties molles et en quelque sorte sans défense, qui sont viscères, poumons, cerveau. Il ne faut qu’une surprise, et sans aucun danger, pour produire ces étonnantes révolutions ; et il est clair que la joie peut naître de la surprise. Au vrai toutes nos émotions se ressemblent étrangement, avant qu’elles soient nommées et dominées. Ces remarques sont pour préparer le lecteur à cette idée que les larmes ne sont pas toujours l’effet de la douleur, quoiqu’elles en soient le signe le plus commun. Au reste chacun sait bien qu’un vif mouvement d’admiration ou un grand bonheur iraient aisément aux larmes, si l’on n’y résistait presque toujours, par cette politesse assez naturelle qui se défend contre les signes ambigus. Mais il est convenu qu’au théâtre on ne retient guère ces douces larmes, sans compter que l’imitation des sentiments y est bien forte. Peut-être pourrait-on dire