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Page:Alain - Système des Beaux-Arts.djvu/196

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CHAPITRE XII

DE LA PARODIE ET DE LA
MUSIQUE BOUFFONNE

La parodie diffère de la comédie en ce qu’on y donne du ridicule à des personnages illustres et communément respectés ; et cela peut n’être qu’un jeu, par une apparence digne aussitôt dissipée, ainsi qu’il arrive dans les jeux de mots. Mais la parodie peut aller plus loin et présenter, de même que la comédie, le jeu naïf des passions sans hypocrisie ni frein ; elle est alors comme une satire gaie. Toutefois le vrai mouvement de la comédie ne s’y retrouve point, parce que le propre de la satire est d’attacher les travers, les vices et la sottise à un personnage véritable, ce qui nous réduit au plaisir mélangé de rire des puissants, et en tout cas de rire des autres. Or on peut bien se moquer d’un bouffon qui ne sait pas faire rire ; mais chacun comprend que ce rire n’est plus le rire ; on y trouve, et grossis dans ce cas-là, un embarras, une pudeur, une tristesse, enfin ces mouvements de charité dont la grande comédie, avec ses masques, nous délivre si bien. C’est que la parodie nous délivre d’admirer les autres, au lieu que la comédie nous délivre de nous admirer nous-mêmes ; et ajoutez que la parodie ne distingue point et livre au ridicule tout un homme, alors que la comédie