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Page:Alain - Système des Beaux-Arts.djvu/203

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ARTS EN MOUVEMENT, ARTS EN REPOS

porteraient rien ; et au contraire tout, dans cet art naïf de l’architecte, est fait pour montrer la solidité et le poids ; peut-être même les sculptures primitives avaient-elles pour fin de prouver la solidité de la chose. Et ce même caractère se retrouve dans le meuble, où il faut que le bois soit dur et massif et paraisse tel, et le métal aussi. Cette condition est moins sensible dans la sculpture, mais peut-être en trouverons-nous l’équivalent et dans la peinture aussi. Retenons toujours que l’architecture est un art qui ne ment point. Cela se traduit d’abord par cette règle que l’utilité doit y être la raison de tout, comme on peut le voir pour la colonnade, qui est un écran contre le soleil, pour l’ogive, qui forme une voûte plus solide que le plein cintre, et pour les arcs-boutants, qui résistent à la poussée des voûtes. Mais la solidité et on dirait presque la sincérité des monuments éclate encore mieux par leur grandeur et par leur masse ; c’est pourquoi on peut aller jusqu’à dire que la beauté architecturale dépend beaucoup de la masse dressée. C’est presque la seule beauté des Pyramides, et l’on dit que ce n’est pas peu ; mais tous les monuments célèbres étonnent dès que l’on s’en approche, par la grandeur des soubassements, qui donne une idée du reste. Et c’est sans doute la raison pour laquelle le monument ne peut être saisi que par l’observateur familier. On pourrait dire que le premier aspect d’un monument n’est encore qu’une apparence, surtout lorsqu’on ne se trouve pas assez près des premières assises pour juger de la masse réelle d’après la grandeur et la puissance du corps humain. C’est pourquoi le dessin ne donne aucune idée du monument, même approchée. Il le rabaisse bien plutôt au niveau de l’imagerie par cette invariable apparence, directement opposée à la vertu propre du monument, qui est une réelle source, au contraire, d’apparences innombrables. Le pouvoir de durer n’est donc pas ici un caractère accessoire ; la solidité nous invite à prendre temps et à revenir. Aussi ce qui plaît d’abord même dans les ruines, c’est cette puissance