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Page:Alain - Système des Beaux-Arts.djvu/217

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CHAPITRE VI

DES MEUBLES

Socrate disait, et Platon le prend pour lui, qu’une cuiller de figuier est belle si elle est utile. Cette idée si naturelle doit être souvent rappelée, dès que l’on traite des Beaux-Arts ; car le mauvais goût n’est peut-être que la passion d’orner pour orner. Or les œuvres répondent sévèrement à ces tentatives puériles ; la fantaisie, dès qu’elle est devenue chose, ruine toutes les espérances, et la loi de tempérament ne s’exprime nulle part aussi rigoureusement que dans ces œuvres qui restent, et qui ne se laissent pas oublier. Mais il faut pardonner beaucoup à ces chercheurs d’ornements et de formes. « La Colombe, disait Kant, peut croire qu’elle volerait encore mieux dans le vide. » Il y a de l’obéissance dans les belles œuvres, et dans les belles actions aussi. Ainsi, en suivant les chemins de l’utile, avec soumission et amour de ces humbles travaux, l’homme sème les parures ici et là, selon l’occasion, la matière et la commodité. « Le peintre, dit Balzac, ne doit méditer que le pinceau à la main. » Mais son peintre travaillait trop loin de la matière et mourut fou. Je dirais plutôt en ajustant de plus près l’idée à la chose, que l’artiste ne doit méditer qu’en poussant l’outil. C’est ce que l’étude la plus sommaire des beaux meubles fait voir