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Page:Alain - Système des Beaux-Arts.djvu/222

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SYSTÈME DES BEAUX-ARTS

Peut-être y a-t-il autour des grandes villes une beauté plus abstraite, plus violente, plus cachée, dans les chemins de fer, les tunnels, les ponts métalliques, les usines, et jusque dans ces maisons ouvrières alignées comme sur les rives du transport. Sans doute ce qui saisit ici, c’est ce qui reste d’humanité dans l’idée brutale, qui n’a plus d’égards, et qui nie les différences. Il y a du désordre dans ces lignes inflexibles ; la liaison de pauvreté et de richesse s’y montre trop. La nécessité de matière n’y a plus de forme ; ici gouvernent le fer et le charbon, signes de l’orgueil et de l’enfer. C’est le règne de la force, assis sur la nature décomposée. Par opposition l’on comprendra mieux la beauté d’une ville assise dans la verdure, et comment la nature proche se retrouve dans les bois, les pierres, et les tuiles, comme dans la forme et le tassement des maisons. Ici les différences, la liberté, l’idée concrète, l’individuel à sa place, la pensée en paix avec les choses ; enfin la possession assurée et le travail orné de plaisir qui met sa marque sur toutes les œuvres. Mais peut-être, comme on n’invente plus de vraie musique ni de vraies danses, l’âge des villes est passé aussi.