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SYSTÈME DES BEAUX-ARTS

chent du même pas, comme sont l’éloquence, la poésie, la danse, la musique, et aussi l’architecture, comme on l’a vu.

Comme il existe de beaux modèles, par exemple de beaux hommes et de belles femmes, et que le goût ici ne trompe guère, rien ne serait donc plus facile que de faire des statues ; et cela est vrai en un sens. Il ne manque point de mauvais peintres qui se sont trouvés sculpteurs passables, pourvu qu’ils aient eu à copier quelque beau vieillard ou quelque athlète. Et du reste il n’est pas impossible qu’on invente quelque procédé, analogue à celui des photographes, et qui donnera le portrait en relief, et ressemblant, de ceux qui auront la patience de rester immobiles un petit moment. Le portrait, ainsi fabriqué, d’un homme beau, serait donc beau. Et encore plus beau s’il était peint d’après la nature même, et vêtu de vraies étoffes, comme sont les figures de cire que l’on voit chez les marchands. Pourtant on ne voit point qu’une belle actrice ait jamais désiré rester jeune et belle sous cette forme-là ; un homme d’état non plus. Disons même qu’un portrait de ce genre serait désagréable et presque effrayant à regarder, et il n’est pas difficile de dire pourquoi. Cette immobilité jointe à toutes les apparences de la vie, du sentiment et même de l’esprit, donne l’idée d’une mort soudaine ou d’une folie sans avertissement. Et même une statue de marbre, quand l’artiste a copié la nature sans précaution, donne souvent une impression du même genre, quoique moins forte. Il y a toujours quelque expression de folie dans les statues dansantes ou souriantes. On pourrait dire qu’une certaine recherche du mouvement rend l’immobilité du marbre encore plus frappante. Et enfin il est assez clair que la sculpture ne peut point du tout exprimer à la manière de la danse, et donc qu’elle ne doit point du tout chercher par là.

Dans le fait, cette fantaisie se trouve réglée plus ou moins par le modèle vivant lui-même, qui cherche d’abord une pose qu’il puisse conserver sans trop