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SYSTÈME DES BEAUX-ARTS

drait point croire que le langage ait pu jamais naître des actions, hors de la cérémonie qui ramène l’action au geste. Et, puisque toute conscience est liée à un mouvement retenu, le mieux pensant serait donc l’immobile. Que la sculpture vise là, ce n’est point faiblesse, mais force. Comme la force propre des arts en mouvement est de nous entraîner selon leur loi, ainsi la force propre des arts en repos est que leurs œuvres répondent à qui les interroge et s’arrête, l’immobile regardant l’immobile. Certes ce n’est pas peu de chose que de représenter l’immobile ; et puisque la sculpture, par sa matière, y est plus propre qu’aucun des arts qui plaisent principalement par la forme humaine, telle serait donc la fin propre du sculpteur. Il n’aurait donc pas plus à imiter des mouvements que le musicien ne cherche à imiter des bruits, ni l’écrivain à dessiner les choses par la forme des lettres ; ou bien, si le sculpteur représente d’aventure une nymphe courant ou dansant, que ce soit par jeu ; mais nous traitons des plus belles œuvres dans chaque genre.

Disons donc que l’objet de la sculpture est de représenter plutôt le véritable immobile, et, enfin, au lieu de donner au marbre l’apparence du mouvement humain, de ramener au contraire la forme humaine à l’immobilité du marbre. Mais cela ne va point tout seul, justement parce que la forme animale veut se mouvoir et refuse toujours d’être sculptée. Ainsi toute agitation doit être dominée, de façon que l’immobile se suffise à lui-même et se contente de lui-même. On ne devrait donc point sculpter l’enfance, si ce n’est dormant. Au reste, il n’est point difficile de sculpter l’action, si l’on veut seulement parler le langage de l’action, le plus clair de tous et le plus vide. Le plus grossier moulage vous représentera un homme qui court, ou qui pioche ; mais quand vous y mettrez toute la vérité possible, un homme vivant fera toujours mieux. Au lieu qu’un homme vivant ne saura pas se tenir en repos à la manière d’une statue, et surtout s’il est regardé. C’est un mouvement naturel