Aller au contenu

Page:Alain - Système des Beaux-Arts.djvu/261

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
259
DU COSTUME

alors pour rappeler l’esprit du costume et détourner l’attention de toutes les faiblesses du corps ; au lieu que le pli moderne suit l’action, et même en conserve la trace, en sorte qu’il y a aisément de la bonhomie dans le costume moderne, mais difficilement de la majesté. Et la sculpture, comme il a été dit, ne se plaît pas à l’anecdote ni aux petits traits. Il faut que l’homme y soit simplifié et grandi, homme essentiellement, et toujours pensant. Comment ces conditions s’accordent avec le nu, cela sera examiné ; mais il est bien sûr qu’elles s’accommodent mieux de la toge antique que de tout autre costume.

Il faut comprendre ici que le costume, même apprêté, montre souvent un mensonge de cérémonie, de même que le rouge, la poudre, les yeux ombrés et enfin tous les artifices de toilette dont la sculpture ne s’occupe jamais. Un corset redresse l’attitude, ce qui fait voir à la fois les atteintes de l’âge et un souci de l’opinion qui ne s’accorde guère avec le regard propre aux statues, et qui ne voit point le spectateur. Certes tout n’est pas ridicule dans le souci de paraître, et de profonds sentiments peuvent s’accorder avec la parure, qui par un côté est toujours politesse, et même souci de régler les dehors d’après la jeunesse du cœur, ce qui est assez beau. Mais ce genre de style n’appartient pas à la sculpture. Les artifices par lesquels on voudrait paraître plus grand, plus fort, ou plus grave, y seraient peut-être moins étrangers, tels le casque à grand panache, ou le hausse-col, ou la fraise ; mais l’homme s’y montre encore en cérémonie ou tout au moins en société. Leur objet est de régler le dehors sur les vertus du commandement dont le visage achèvera de répondre. Mais pourquoi sculpter les modèles du peintre ? Chaque art a sa puissance propre d’après ses moyens propres. Une statue est solitaire, qu’on le veuille ou non.

Les modernes n’ont pas assez séparé la pensée de l’action, peut-être ; et leurs discussions sont des combats, ce qui, à bien regarder, explique assez ce