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Page:Alain - Système des Beaux-Arts.djvu/303

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DES SYMBOLES

plus caché peut-être le permettra. Un des moyens les plus puissants à cette fin est sans doute la concordance des images, et ces comparaisons en éclair qui ramènent la folle à marcher d’une certaine manière avec l’idée. L’art du romancier, comme on voit dans le Lys, éveille ainsi et rassemble toutes les puissances de l’âme, par une sorte de peinture patiente aux touches successives, mais qui s’appellent et se répondent. Ici est enfermé le secret des figures de mots et de la plus profonde rhétorique.

La peinture va plus directement à la même fin, mais non pas plus aisément ; car les œuvres qui se laissent contempler, sans commentaires extérieurs, et qui, par un échange sans fin, enrichissent à la fois le contemplé et le contemplant, de telles œuvres sont rares, et communément tenues pour plus précieuses que toutes les autres choses ; culte sur tous les cultes, dont il faut rendre compte. Et le premier effet d’une belle peinture est une contemplation aussi riche que l’on voudra, qui occupe et ramène toute l’âme, par une variété sans fin, mais réduite aussitôt à cette forme colorée qui suffit à tout porter ; dont la première cause, qui marque aussi l’opposition profonde entre la peinture et le dessin, est que la ligne évoque des formes, au lieu que la couleur évoque des sentiments. Et, tandis que les formes sans objet font aussitôt un vide inconsistant, un chaos où la matière manque, et qui peut donner quelque idée de l’ennui mathématicien, le moins supportable peut-être, au contraire les sentiments, qui ne se développent point en espace, mais enrichissent le temps imperturbable, se développent par la négation de l’extérieur et se prêtent force les uns aux autres, comme ces touches superposées de la couleur profonde et riche, donnant un devenir qui accumule, et un total souvenir de soi. À quoi aide, en se montrant à mesure, cette expression humaine du visage peint, qui signifie aussi une manière de sentir ou d’être pour soi, unique absolument et pour cela inexprimable hors de la peinture, mais qui, par la conversation muette ou échange de