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Page:Alain - Système des Beaux-Arts.djvu/329

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DU DESSIN COLORIÉ

Japonais ont laissé de frappants exemples. Et l’estampe est ainsi bien franchement un dessin orné de couleurs. D’où ce caractère que, dans les scènes animées, l’estampe ne cherche jamais l’expression du sentiment total, mais seulement l’instant fugitif, et comme le reflet des choses, des actions, des saisons sur un visage, enfin le mouvement toujours et les émotions qui en sont les effets ; c’est pourquoi tous ces visages japonais, à l’expression près, se ressemblent beaucoup. Le paysage y a plus de puissance, parce que rien n’y est intérieur ; mais aussi il n’éveille pas la rêverie contemplative ; plutôt l’active, qui imagine des voyages ; ces belles lignes nous emmènent. Réellement, de toute façon, c’est l’ennui de cette race active qui ressort de ces fortes et tristes images.

On ose à peine parler de la fresque, qui serait un dessin colorié aussi. Soutenu certainement par les lignes, mais fixé pourtant et comme immobilisé par la couleur qui y est matière architecturale. Par la couleur, le dessin est fixé au monument et y prend de la majesté peut-être. Disons qu’il y a de l’épique dans ces grandes images, mais que le mouvement y est modéré et retenu par la matière, et par la couleur qui y est incorporée. Par cette union de l’action et du sentiment, la pensée revient, mais plus organisatrice que législatrice, et aussi plus occupée de vérité que de bonheur ; c’est la religion en doctrine, et l’amour intellectuel, surtout attentif aux œuvres. Ce que fait bien comprendre aussi le vitrail, mieux lié encore au monument, plus lourd de matière, moins juste aussi de couleur, mais plus riche d’éclat. On pourrait dire qu’en ces estampes, où la couleur saisit d’abord, c’est l’émotion d’un moment qui prend force d’éternité. La religion naïve est donc fixée dans ces lignes de plomb, par ces couleurs cosmiques.