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Page:Alain - Système des Beaux-Arts.djvu/401

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NOTES

animales, où il est évident, alors, que le dessin suffit, et que la couleur ne peut rien ajouter. Aussi ne peut-on faire le portrait d’un chat. L’expression est forte, sans doute, mais d’un moment, et sans mémoire. C’est pourquoi la couleur, alors, est comme étrangère et de reflets ; elle nous renvoie à quelque autre objet, comme ces portraits éclairés par la lampe ou par le feu ; mais ce ne sont point des portraits.

IX

Livre IX, Chapitre V. — Sur le pastel.

Ce que j’ai écrit du pastel a trouvé et trouvera résistance. Or j’étais et je suis encore tout à fait assuré de moi-même dans ce sommaire jugement, parce que les principes, analysés d’abord sans aucun parti-pris, s’accordaient exactement avec des impressions relativement récentes, toutes concordantes, et encore vives. Mais, par cela même, peut-être ai-je glissé à juger du beau, alors que je voulais seulement définir un genre. Un ami fort clairvoyant me disait sur ce propos-là : « En ces matières, Kant a vu juste, et non Platon. On peut définir le jugement esthétique, mais non le beau, et cela ne revient pas au même. » Je cite cette formule en vue d’aider le lecteur à comprendre qu’un travail du genre de celui-ci doit se séparer de cette critique d’art qui donne son propre goût comme règle. Si j’ai manqué à cette règle, ici ou là, par un entraînement naturel, je dois m’en excuser. Mais peut-être n’est-ce pas plus rabaisser le pastel, quand on remarque qu’il exprime proprement le mouvement de la coquetterie plutôt que le sentiment vrai, que ce ne serait rabaisser la comédie si on disait qu’elle fait rire. Et je suis bien loin de penser qu’il n’y ait pas de grandeur dans la frivolité. Quant à la différence des genres, maintenant, il est clair que le pastel peut imiter plus ou moins la peinture. Mais, quand le frotté du pastel produirait les mêmes effets que les touches du peintre, ce que je ne crois point possible, il resterait encore que le geste n’est pas le même dans le pastelliste et dans le peintre, et que le mouvement de l’autre la nie et l’efface. Tout art est de précaution ; mais les gestes et l’attitude de la prudence, de la retenue, disons même du respect, diffèrent selon les travaux, les instruments, et les œuvres. Le chanteur se discipline lui-même par d’autres moyens que le violoniste ; de même il y a bien de la différence dans l’approche, le toucher, et même dans le mouvement si expressif de retirer la main, entre le peintre et le pastelliste. Et, comme il ne se peut pas que le sentiment ne dépende point du geste, aussi ne se peut-il pas que l’œuvre ne garde pas la trace du sentiment. Il est bien clair, au reste, que la couleur du pastel n’est pas incorporée, ni à son soutien, ni à elle-même. La surface<\p><\noinclude>