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Page:Alain - Système des Beaux-Arts.djvu/59

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CHAPITRE III

DES ACROBATES

Il n’y a pas toujours de la beauté dans les spectacles acrobatiques. Souvent on n’y trouve que l’anxiété ou bien des désirs peu avouables, ou bien le plaisir impur qui vient de ce que l’on considère, étant soi-même à l’abri, mais vieux et faible, le péril d’un être jeune et fort. Dans ces cas-là, si l’acteur n’est ni beau, ni laid, et seulement émouvant, le spectateur est bien laid. Mais nous traitons de la beauté acrobatique. Et disons que la puissance, le calme, le tranquille gouvernement de soi dans les actions difficiles et dangereuses ont toujours quelque chose de beau ; le naïf langage dit toujours que le courage est beau, avant de dire qu’il est bon. Cela trouve son application aux jeux du cirque ; car presque toujours l’acrobate cherche encore plutôt à plaire qu’à émouvoir ; c’est là son honneur propre. De là des sourires et des saluts, un peu ridicules si on les prend seuls, parce qu’ils sont étudiés, mais beaux par relation. Il faut toujours que ces danses périlleuses commencent et s’achèvent par le sourire ; et ces grâces d’opéra signifient deux choses au moins ; premièrement une belle réaction, et très sage, contre la peur, contre la maladresse, contre la timidité enfin, et contre la témérité pour tout dire, et cela donne