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Page:Alain - Système des Beaux-Arts.djvu/65

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CHAPITRE V

DE LA DANSE RELIGIEUSE

Les gens passionnés refusent toujours de croire que l’attitude et le mouvement convenablement réglés modèrent même les passions les plus violentes, et finissent par les apaiser toutes. Notre pouvoir est pourtant là ; car c’est directement sur nos actions musculaires que s’exerce notre vouloir, sans aucun intermédiaire, et sans aucun obstacle intérieur ; mais, en revanche, nous ne pouvons rien par la pensée seule contre les orages musculaires ; ici il faut que la pensée suive, et que la colère de l’âme exprime seulement la colère du corps, ce que signifie clairement ce beau mot, la passion. C’est pourquoi l’idée si simple de desserrer les dents et les poings, de baisser la tête, d’incliner le corps, de plier les genoux, de mimer enfin contre la colère, n’est jamais reçue directement. La religion enferme plus d’un secret, mais elle consiste principalement dans ces ruses traditionnelles par lesquelles l’animal passionné est occupé d’abord, et apaisé bientôt jusque dans son âme, par la vertu de la danse.

Qu’il y ait des danses religieuses en certains pays, c’est un avertissement de mieux considérer les cérémonies de chez nous, les attitudes réglées, les silences, les paroles rythmées, les chants, les politesses, les processions. Il y a certainement dans la religion quelque décret libre, un jugement qui choisit,