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Page:Alain - Système des Beaux-Arts.djvu/69

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DU COSTUME

l’état libre étonne un moment, rompt et détourne ; c’est pourquoi les sentiments se développent peu, et toujours en sauvagerie, à l’égard d’une femme qui n’a qu’un costume ; car le naturel est trop riche, et simplifie trop, et noie ; il reste l’instinct et l’inquiétude ; au lieu que la frivolité en costume de bal prend de la forme et du style ; c’est un thème pour tous les sentiments. La beauté de l’expression est à ce prix. Les figures nues signifient peu, si elles ne sont soumises à quelque autre style. À bien regarder, le costume étudié et paré de la femme a pour effet principal de ramener l’attention sur le visage et sur les parties du corps qui traduisent les mouvements de la respiration et du cœur ; c’est prendre le désir à ses propres ruses et toujours le détourner vers les parties nobles. Cette importance du visage est un effet de l’art de plaire quand l’art de plaire est vraiment un art ; et le costume y est tout à fait nécessaire. Cette sorte d’armure dispose comme il faut pour la cérémonie en s’opposant principalement à cette respiration vers le bas qui donne importance aux fonctions purement biologiques toujours promptes à dominer sur les sentiments, chez la femme surtout. Ainsi le cœur est réellement rapproché de l’esprit, en même temps que l’attention, toujours ramenée au visage, invite à l’échange des signes abstraits. Ces précautions ne sont jamais vaines ; et toute liberté du costume, même sans indécence, donnera toujours aux opinions quelque violence animale, ce qui, par la politesse, conduit au bavardage purement mécanique. Dont témoigne, par opposition, cette constitution thoracique ou athlétique, commune chez les artistes, et qui est si favorable à l’expression, par l’union du sentiment et de la pensée. Au reste remarquez que le mouvement de hausser les épaules exprime que l’on se retire des petites misères ; et c’est ce que le costume de cérémonie, surtout chez la femme, dessine déjà. On remarquera enfin que le rouge et la poudre, de même que les ornements plus primitifs, comme tatouages ou plumes, ont pour effet de dissimuler et d’affaiblir la plupart