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Page:Alain - Système des Beaux-Arts.djvu/78

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CHAPITRE IX

DE LA POLITESSE

On commence peut-être à apercevoir que la civilisation se reconnaît à ce calme du visage et du corps, qui s’oppose si bien à l’agitation des enfants, lorsqu’ils font des mines par timidité. Et songez qu’il n’est pas poli de rire, si l’on ne sait pas ou si l’on ne peut pas dire de quoi l’on rit. Ici nous saisissons la vraie politesse, qui est bien loin de flatterie et bassesse, et qui consiste à ne dire que ce que l’on dit et à n’exprimer que ce que l’on veut. Montrer de l’étonnement malgré soi, de la pitié malgré soi, de la gaîté malgré soi, c’est toujours impoli. Mais exprimer sans ressentir, ce qui est maladresse, gaucherie ou comme on voudra dire, ce n’est pas moins impoli ; tels sont les rires à contre-sens et la rougeur sans raison. Le timide est celui qui connaît ces improvisations et qui en redoute les effets ; mais il tombe dans la faute contraire ; et, dans tous les cas, il montre au dehors cette lutte contre soi, et d’autant mieux qu’il veut la cacher. De toute façon la politesse est donc une maîtrise de soi, qui n’exclut ni la force, ni l’insolence, ni même l’outrage, car ce qui est volontaire n’est pas impoli, mais bon ou méchant.

J’ai assez expliqué qu’il y a un art de vivre, où la politesse bien comprise est presque tout et même tout.