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Page:Alain - Système des Beaux-Arts.djvu/94

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CHAPITRE III

DE LA POÉSIE ET DE L’ACOUSTIQUE

Tout discours public est soumis aux conditions physiques et physiologiques d’après lesquelles la voix humaine se soutient plus ou moins, et donne pour un même effort un bon ou mauvais rendement. L’éloquence cherche d’instinct la résonance, les repos et les balancements ; mais la poésie, plus étudiée, et surtout destinée à être dite bien des fois, suit encore mieux ces règles, dont elle ignore pourtant les vraies raisons. Toutefois il apparaît clairement à l’oreille la moins exercée, comme au parleur le moins habile, qu’il y a des suites de sons difficiles à produire et pénibles à entendre, en ce qu’elles rapprochent la voix du cri et évoquent trop la fatigue, la faiblesse, l’irritation, la timidité. Il y a des vers rocailleux qui ne sont jamais de beaux vers. Que dire de plus ? La répétition des mêmes sons fatigue sans doute les mêmes muscles de la même manière. Et, quant aux articulations, chacun connaît les difficultés presque invincibles, qui viennent de ce que les lèvres, la langue et le palais doivent passer subitement d’une position à une autre très différente, ce qui ne peut aller sans grimaces, méprises, et mauvaise humeur. Au contraire il y a des successions faciles et en quelque sorte attendues, de façon qu’un mouvement des